II ) Le deuxième point, qui me paraît tout aussi « évident » à aborder de prime abord, est celui de la condition physique et psychologique dans laquelle je me trouve. Physiquement, tout d'abord, j'ai fini par retrouver ( mais il a fallu attendre trois-quatre mois pour que je le sente vraiment ) une certaine force, un dynamisme nouveau, moi que la compulsion rendait franchement mou du genou. Je n'ai plus de mal à marcher sur de longues distances, j'ai (presque) tout le temps envie de courir et de sauter partout dès que je me rends quelque part, et j'ai perdu un peu de poids. Le sommeil est de bien meilleure qualité, d'autant plus que je me couche et me lève plus tôt en moyenne qu'auparavant, et qu'il est de moins en moins dérangé par des rêves érotiques et éjaculations nocturnes conséquentes au manque (?). Sur ce point j'insisterai d'ailleurs, en disant que, si j'ai pu être dérangé vers le milieu du deuxième mois de sevrage par des lendemains mouillés à répétition, au point que j'en perdais ma motivation à continuer, il a été, en conséquence, important pour moi de considérer qu'il ne s'agissait que de symptômes provisoires, probablement liés au processus de compulsion, de près ou de loin. Je ne suis pas certain d'avoir trouvé d'explication satisfaisante à ce sujet : s'agirait-il d'une voie détournée qu'utilise temporairement le cerveau pour trouver sa dose d'endorphines, après quoi il finit par s'habituer ( l'abstinence aidant ) et nous laisse tranquille ? Et sinon, qu'est-ce ? Quoiqu'il en soit, avec le temps, les accidents de ce type se sont raréfiés, au point d'en arriver à un ratio d'à peine un ou deux toutes les trois semaines. Chose qui me paraît bien acceptable. A "sommeil de meilleure qualité" j'ajouterais une sévère amélioration des performances cognitives : meilleure concentration, meilleure mémoire, des raisonnements plus aboutis et plus rapidement menés, et, le plaisir retrouvé de la réflexion, de l'investigation et de la lecture sur de longues durées, chose que je sais apprécier de nouveau.
III ) D'un point de vue global, psychologiquement aussi, cela s'est sacrément amélioré. Moi qui étais encore sujet à des crises d'euphorie suivies d'un « down » bien dépressif ( troubles de l'humeur pour lesquels j'avais d'ailleurs un traitement que nous avons arrêté, avec mon psychiatre, cet été , celui ne s'avérant plus nécessaire ), je m'aperçois que si, aujourd'hui encore, il m'arrive de m'énerver, ou d'avoir un peu le blues, en général je me reprends assez vite, et trouve des causes et des solutions possibles à ces fluctuations. Et c'est bien simple : avec le temps, j'ai bien l'impression que tous les problèmes auxquels je suis confronté m'apparaissent bien moins compliqués qu'il y a un an. D'insolubles, il sont devenus presque tout le temps faciles à résoudre, dans leur grande majorité, alors qu'à l'époque, je stagnais pendant des lustres pour pas grand chose, me croyant damné à force de voir le ciel me tomber sur la tête, quand il ne s'agissait que de quelques gouttes de pluie. Tout bonnement, je crois que j'étais tellement embrouillé par les effets de la compulsion, que j'en devenais incapable de voir plus loin que le bout de mon nez.
IV ) Puis, conséquence (?) lointaine de tout ce que je viens de décrire, viennent les bénéfices au niveau de l'hygiène de vie, et là c'est assez éloquent : désormais je respecte des quotas minimum de sommeil ( avec parfois quelques erreurs, mais ça passe ), je me couche plus tôt et me lève plus tôt, ne saute des repas que rarement, mange mieux et moins, me lave tous les jours ( ! ), me brosse les dents ( !! ), ne me retient plus constamment d'aller aux toilettes jusqu'à urgence ( !!! ), ma chambre est à un niveau de bordel bien en-dessous de la moyenne passée ( c'est même plutôt bien rangé ), etc … Si un des problèmes auquel je m'attelle en ce moment est celui de la procrastination, et qu'il m'arrive encore souvent de ne rien faire quand bien même il serait temps, il faut avouer que l'an dernier, c'était 5 ou 10 fois pire, en fait. La façon la plus claire d'énoncer le contraste entre ces deux moments de mon existence, est que, aujourd'hui, c'est « ne rien faire » qui devient/est devenu une exception ( même si c'est fréquent, cela est toujours, et de plus en plus, minoritaire ). Au point que des séances de boulot de l'an dernier, je n'ai pas trop de mal à me souvenir ( tant elles étaient rares ), tandis qu'aujourd'hui je me souviens des jours où je n'ai « vraiment rien foutu, nom de dieu ». Et quand je parle d'activité, c'est finalement valable tout autant pour le boulot relatif à mes études, que pour ce qui tient de l'entretien d'une maison, de la composition musicale ( quoi que cela ait un peu reculé récemment, mais pour de bonnes raisons : « études oblige » ), du fait d'aller chercher des choses en ville, ou de la rédaction de pavés ignobles tels que celui-ci. Lol.
V ) Me resterait encore à signaler une progression on ne peut plus notable sur le plan spirituel et philosophique, dans la mesure où le passage de « pornopornopornopornoporno » à « je m'abstiens et c'est tant mieux, même si c'est pas tous les jours facile » s'est fait dans le même temps que le passage de « le monde c'est de la merde et les gens sont tous cons », à une conception de l'existence que je ne saurais plus résumer en une seule phrase, et qui contient infiniment plus de recul ( du moins j'essaie d'en avoir, du recul ) que les spéculations adolescentes et névrotiques auxquelles je m'adonnais dans mon triste nihilisme de boulevard ( de boulevard ou pas, de toute façon, le nihilisme … ). Alors, de là à dire qu'arrêter d'entretenir sa dépendance au porno rend plus sage, cela va un peu vite, mais en tout cas cela m'a permis, à coup sûr, de voir autre chose dans mon marasme que les conséquences directes d'un monde qui me prenait pour son bouc-émissaire et qui de toute façon était « trop pourri pour que je prenne la peine de lui donner une chance ». Ce n'est pas tant que je rejette avec dédain ce qui fut mon credo pendant pas mal d'années, mais enfin bref, à un moment donné, je me suis rendu compte qu'il était plus sensé d'essayer de vivre que de taper sans cesse dans des coquilles vides. Sans doute projetais-je une bonne part de ma noirceur et du rejet de mon identité sur le monde, biaisant par là-même mon jugement sur ce qui s'y passait : et c'est là aussi, le genre de phrase que j'aurais eu peu de chances de sortir l'an dernier. Comme quoi le mot « changement » n'est pas toujours qu'une promesse non tenue.
Sur le coup, je ne vois pas grand chose d'autre à ajouter à ce panorama, malgré tout assez rapide, mais ne manquerai pas de l'éditer si le besoin se faisait sentir. Je crois que maintenant que c'est fait, je peux regarder devant moi, et me lancer de plain pied dans cette deuxième année de sevrage. Bien qu'un regard rétrospectif puisse souvent se révéler être un sacré coup de pouce, il est temps désormais de faire un pas, puis deux, puis trois … et d'explorer de nouvelles terres. Maintenant que je suis sorti de la jungle et ai établi mon camp de base, l'exploration peut commencer.
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