Je ne viens plus ici, pour des raisons que j'ai déjà expliquées en grande partie...Un message privé m'a fait passer par là, et j'en profite pour partager un truc.J'ai récemment assisté à une présentation des mécanismes neuro-chimiques de l'addiction, simplifiée, par un médecin alcoologue. Pas le détail de la dopamine et du circuit de récompense, mais l'échange d'informations entre le cerveau reptilien où se situe ce centre de récompense, et le cortex, siège de la conscience et de la pensée, raison, volonté etc...Lors de prise d'alcool, mais c'est pareil pour la drogue, le tabac, tout produit psychotrope addictif, il y a lors de la consommation un message dans le circuit de récompense au sein du cerveau reptilien, qui dit en gros "mmh c'est bon ça, j'en veux encore". C'est programmé pour ça, un truc positif (mieux-être ressenti) est fait pour être signalé comme possible à reproduire. C'est normal. Une expérience positive peut être renouvelée, et une négative est à éviter, c'est de survie qu'il est question.Après, il y a DEUX circuits neuro-chimiques qui communiquent cette information DANS LES DEUX SENS entre le cerveau reptilien et le cortex cognitif. Ainsi la RAISON peut s'exprimer: oui ce chocolat est bon mais je n'ai plus faim, ou encore je préfère ne pas être beurré pour aller chercher mes enfants à l'école ou aller au travail. Il y a contrôle rétro-actif, ou régulation, de la pensée vers le circuit qui communique les messages de "j'en veux encore" pour tempérer la chose. Ca marche très bien.En fait, cela passe par une communication transversale entre les deux circuits en question. Il est nécessaire pour que ça marche cette régulation, que les deux circuits soient en bon état et communiquent entre eux aussi. MAISChez certaines personnes, qui pour diverses raisons (génétiques, histoire de leur vie etc, on ne sait pas très exactement au juste et surtout je ne saurais l'écrire ici en quelques lignes),sont devenues dépendantes à un certain produit, la communication entre les deux circuits est défectueuse. L'alcoolique a émoussé sa capacité à exercer sa volonté pour faire taire le message "encore à boire"... Donc dès qu'il y goûte, le message est répété sans rien pour le contenir et la bouteille y passe. La volonté et la raison sont techniquement inopérantes. La personne peut savoir consciemment que ce n'est pas souhaitable, elle arrivera quand même beurrée à l'école ou au bureau...C'est bien là une maladie ou un dysfonctionnement.Pour des comportements, comme le jeu pathologique (casino, tiercé, jeu vidéo...), ou pour le sexe, c'est pareil. Il y a bien un produit dans le cerveau, même s'il n'est pas apporté de l'extérieur, il y a des endorphines, des hormones, et le circuit de récompense en redemande, et le rétro-contrôle étant devenu inopérant chez le dépendant, la volonté, qu'elle soit de fer, de platine ou de titane n'a simplement pas de manière technique d'agir... Le seul moyen pour l'alcoolique de ne pas finir beurré, c'est de faire jouer sa volonté AVANT qu'il ne soit dans la situation où elle est devenue inopérante, c'est-à-dire avant le premier verre... C'est pour ça que seule l'abstinence totale est efficace, dans la quasi-totalité des cas. Pour les dépendances à des choses vitales, comme la bouffe ou l'affectif et sexuel, c'est un peu compliqué parce que l'abstinence de nourriture n'est pas possible, et l'abstinence d'affectif-sexuel non plus.Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus sur le double-effet psychologique et neuro-chimique. Une partie donc telle que je viens de la décrire, plus tout un tas d'autres choses psychologiques; l'estime de soi, le problème du LIEN avec autrui et soi-même, tout un tas de choses dont on parle peu sur ce forum mais que par exemple à
DASA j'ai pu tout de suite identifier et connecter à ma dépendance qu'au départ je croyais uniquement sexuelle.La seule conclusion ici que j'ai envie de tirer, c'est que l'abstinence de MB à rechercher pour moi est sans doute totale et définitive autant que possible. Le souvenir de la gratification s'active encore parfois, mais si j'y succombe, je ne saurai pas m'arrêter. Alors que si j'arrive à ne pas succomber à cet appel, lui s'atténue au fil du temps. En revanche, que ce soit après un an, 18 mois ou 40 ans, il semble bien que les circuits dans mon cerveau n'auront pas repoussé, et que je serai toujours aussi fragile et impuissant face à ma dépendance. Si je bois une goutte, je descends la bouteille et j'en cherche une deuxième. Cette dysfonction des circuits est sélective. Je peux être incapable de maîtriser ma consommation compulsive d'alcool, mais pas celle de tabac, par exemple. Mais la répétition joue aussi un rôle; je n'ai pas tout bousillé en un seul joint, il a fallu un certain temps pour que je sois devenu dépendant. Et je peux développer une addiction au tabac Et à l'alcool ET au casino, par exemple, tout en restant consommateur sain de cocaïne par exemple... Enfin perso je ne tente pas le diable parce que j'ai cette propension à être dépendant alors moins je m'expose et mieux je me préserve.
Perso, aujourd'hui depuis presque 4 ans je n'ai pas fumé de cannabis, depuis plus de 8 mois et demi je n'ai pas bu une goutte d'alcool, et je compte continuer comme ça et ce n'est pas, POUR MOI, très difficile de ne pas succomber aux (de plus en plus vagues) réminiscences de ce que cela m'apportait en matière d'anesthésie de mes angoisses et autres. En revanche, côté affectif et sexuel, c'est moins facile. Parce que je suis en lien affectif avec ma famille, mes amis, les autres humains; parce que lorsque je suis en relation avec une femme j'ai des relations sexuelles avec elle parfois. Alors c'est délicat et ça demande beaucoup de boulot, et d'accepter certaines conséquences aussi parfois (rechutes plus ou moins incapacitantes ou encombrantes), ou leurs menaces à prendre en compte...Je n'écris pas ça pour faire peur bien sûr. Je n'ai plus peur de ma dépendance. Je sais qu'elle s'active quand j'ai peur, d'ailleurs... Aujourd'hui j'accepte mes peurs, enfin j'essaye, et j'essaye aussi de continuer à mettre en place dans ma vie chaque jour ce dont j'ai besoin et que personnellement je trouve dans les outils et ressources de DASA. Et j'obtiens comme on dit là-bas "des progrès, pas la perfection", et je suis OK avec ça.En tous cas, une partie du corps médical étudie avec soin et à plusieurs endroits de France et du monde l'addiction, avec ou sans produit, et doucement la science avance, y compris là où nous essayons de nous rétablir. J'ai bon espoir.Dominique