03-01-2012, 22:12
Voilà, en réponse à ce que tu as mis là sur les moisiversaires :LIEN BRISÉ pas que les dépendants ont toujours un besoin de tout contrôler. On a besoin de contrôler l'image que les autres ont de nous, de les forcer à nous donner des preuves d'amour ou de respect ou d'admiration, on a absolument besoin de contrôler ou de se rassurer sur ce que notre boss pense de nous, besoin de contrôler la souffrance par les drogues, etc... Chez moi je m'en rend compte tous les jours même avec des trucs très simples. Il m'arrive de vraiment m'énerver sur le cadenas de mon vélo quand il ne ferme pas, sur les gens sur la route qui sont simplement coupables d'être là, sur mon chemin... C'est comme si on ne tolérait pas les accrocs, comme si tout devait être parfait. Quand je fait une sortie avec des potes, quand c'est une sortie qui est sensée me faire vraiment plaisir, je ne tolère aucun changement par rapport au programme que j'ai fixé. Je veux que tout soit parfait comme je le voudrais, je veux la perfection et je n'accepte pas le point de vue des autres. Bon, ça ne m'arrive pas tout le temps, mais c'est quand même assez caractéristique. Et de la même manière, tu cherches à tout prix à ce que ta femme te pardonne, de manière à recréer une cellule familiale parfaite, le cocon tout chaud dont tu rêves. Mais je pense qu'il faut accepter l'imperfection, ne pas chercher à vivre dans un monde idéal, car on n'y arrivera jamais. Evidemment, si la situation te fais beaucoup souffrir, il faut qu'elle change, mais il ne faut peut être pas viser la perfection. Et il y a quelque chose que j'ai compris y'a pas longtemps (peut être que tout le monde était déjà au courant sauf moi) c'est ça : la définition d'un co-dépendant ça n'est pas simplement quelqu'un qui vit avec un dépendant, c'est quelqu'un qui est dépendant au dépendant. C'est donc quelqu'un qui a lui aussi une personnalité de dépendant, qui a peut être un passé similaire à celui des dépendants. Et donc il a lui aussi besoin de tout contrôler et de se créer un monde parfait. C'est peut être ce qui fait que ta femme a beaucoup de mal à te pardonner. Moi par exemple, j'ai terriblement envie de me rassurer et de penser que mon boss est satisfait de moi au boulot, j'ai envie de contrôler ce qu'il pense de moi, et en prime je suis parano sur ce qu'il pense de moi, je crois en permanence être au bord du licenciement, je crois qu'il me hait, alors que dans les fait, il ne fait que de montrer qu'il est satisfait de moi, il me donne même des encouragements. Ta femme, de la même manière, elle voudrait te contrôler pour être sûre à 200% que tu ne feras pas ce dont elle a peur (rechuter). Et plus elle veut te contrôler plus elle est mise face à l'impossibilité d'avoir le contrôle absolu (on ne peut jamais avoir un contrôle absolu) et plus elle se rend parano et plus elle veut accroître son contrôle. En fait, elle suit les mêmes mécanismes de dépendant que toi. Toi tu voudrais contrôler ce qu'elle pense de toi, tu voudrais qu'elle te pardonne, afin de vivre dans une cellule familiale parfaite et "cocoonisante", et elle, elle voudrait te contrôler pour que tu ne rechutes pas afin d'avoir la même cellule familiale parfaite. Et le fait que tu aies pu lui mentir par le passé la met face à cette impossibilité de tout contrôler. Elle sait que c'est impossible de contrôler à 100% et c'est peut être ça qui lui fait peur. Au fond, vous avez la même maladie, le même problème. Mais peut être que je débarque, peut être que tu penses ça depuis longtemps, ou peut être aussi que j'ai tord.Mais donc, si elle a le même problème que toi, tu peux essayer toi aussi également de lui "pardonner de ne pas te pardonner". N'essaye pas de la contrôler. C'est bien de ne pas espérer qu'elle te pardonne instantanément, mais tu peux aussi renoncer au pardon total. Pour toi, accepter qu'elle ne te pardonnera peut être jamais à 100%, c'est comme pour elle, accepter qu'elle ne pourra jamais te contrôler à 100%. Et c'est comme pour vous deux, accepter de ne jamais vivre dans la cellule familiale parfaite. Pour sortir de la dépendance il faut renoncer à la perfection (comme l'héroïnomane doit renoncer au plaisir ultime et permanent, l'étudiant procrastinateur doit renoncer à son perfectionnisme et accepter de peut être faire des erreurs, le dépendant sexuel doit renoncer au plaisir sexuel ultime et permanent, ou comme tous les dépendants doivent renoncer à une vie totalement dépourvue de souffrance. Ca n'existe pas). Tout n'est pas tout noir ou tout blanc. Ou mieux : RIEN ne peut être tout noir ou tout blanc.Au passage, je viens de lire dans "Willpower's Not Enough: Recovering from Addictions of Every Kind" que justement, le mythe de la famille parfaite est un moyen courant de transmettre la dépendance à ses enfants. C'était peut être un peu compliqué dans le bouquin, mais le raisonnement avait l'air de se tenir. Les dépendants veulent contrôler les émotions des autres afin de construire la cellule familiale parfaite (pas tous, juste un certain type de dépendant, un certain type de famille de dépendants). Et je me suis vraiment reconnu là dedans d'ailleurs. Les parents interdisent en quelque sorte les émotions négatives. Ils peuvent le faire justement pour empêcher leurs enfant de tomber dans la dépendance, ils veulent le bien de la famille. Mais malheureusement, ils causent l'effet inverse. Les enfants sentent ça et apprennent à cacher leurs émotions, à les masquer, à feindre le bonheur, un peu sans s'en rendre compte. Au final, leurs parents leur apprennent que les vraies émotions ne doivent pas être exprimées (peut être un peu comme toi qui souhaiterais peut être que ta femme arrête d'exprimer ses émotions), et ceci empêche les enfants de s'épanouir et d'avoir un "moi" solide. Ils pensent que leur "vrai moi" est mauvais et doit rester caché. Et cette culpabilité les poussera peut être à leur tour dans la dépendance. La seule solution est de renoncer au contrôle. J'avais déjà vu ça dans un autre bouquin sur les dépendances sexuelles qui montrait comment des parents culpabilisant sur leur propre dépendance et ne voulant pas la transmettre à leurs enfants, leur transmettait finalement l'idée que "le sexe c'est mal", et feraient ainsi culpabiliser leurs enfants sur leurs pulsions sexuelles naturelles à l'adolescence. Comme un parent qui punirait son enfant parce que celui ci s'est masturbé, ou bien qui le priverait d'éducation sexuelle. Enfin, je dis pas ça pour te faire stresser. Désolé. C'est juste que la solution c'est d'essayer d'accepter les autres, de renoncer au contrôle. Souhaiter la famille parfaite est justement néfaste pour la famille. Et ils ajoutaient qu'il y a une difficulté supplémentaire pour sortir de la dépendance quand on est issu d'une famille de ce genre : on est convaincu que notre famille était une famille modèle (pas d'alcoolique, pas d'exhibitionniste, pas d'accro au jeux qui dépenserait toutes les économies, pas d'abus sexuels ... etc...) et donc on croit que le problème vient de nous, qu'on a tord de souffrir, et on a beaucoup de mal à imaginer qu'on puisse avoir des séquelles ou avoir subi un quelconque traumatisme. Et pourtant cette recherche de la famille parfaite peut être un vrai traumatisme. Je n'ai quasiment jamais parlé d'émotions dans ma famille, toutes ces choses là étaient cachées. Toutes les fois où je parlais de ce que je ressentais, du négatif, ma mère (très dépendante elle aussi) me disait d'arrêter de me plaindre au lieu de me donner le réconfort qu'elle ne m'a (quasiment) jamais donné. Une des nombreuses fois où j'en ai eu assez, j'ai voulu lui faire prendre conscience que je souffrais vraiment et qu'elle devait m'aider au lieu de me donner constamment des coups de pied au cul : je lui ai révélé que je souffrais tellement que depuis plusieurs années je pensais sérieusement au suicide, et c'était vrai à cette époque. Sa réaction a été exactement celle du déni de l'émotion. Elle m'a au engueulé parce que des gens souffraient partout dans le monde et que moi j'avais de la chance et que c'était une honte de parler de suicide. Je n'ai pas vu un gramme de compassion dans ses yeux (alors qu'elle pouvait être très gentille, trop gentille à d'autres moments). Ca m'avait terriblement bouleversé, et c'est vers cette époque que j'ai commencé l'automutilation, après ça d'ailleurs je crois. Plus tard, je lui ai reparlé de cette évènement, de ce qu'elle avait dit, en lui disant que c'était vraiment terrible ce qu'elle avait fait, que ce que je cherchais c'était du réconfort. Mais elle a eu à nouveau exactement la même réaction, me faire culpabiliser de souffrir. Le dépendant dans ce genre de famille, essaye généralement de fuir le problème et considère que c'est l'émotion le problème, alors que l'émotion est juste une conséquence et il faut l'accepter. Et le dépendant essaye d'effacer l'émotion.Un autre truc que j'ai vu dans ce bouquin (je fais de la pub), c'est qu'une des forme du déni de la dépendance et de notre problème interne est de rejeter la faute sur les autres, croire que la vraie cause de la souffrance vient de l'extérieur. L'exemple qu'ils donnent est quelqu'un qui dirait que s'il se sent mal maintenant c'est à cause de ce que machin lui a dit, et ça a fait remonter la souffrance. Et alors il s'autorise la rechute parce que c'est la faute de l'autre, du destin, et que donc il a droit à son réconfort (toi tu ne rechutes pas, mais ça c'est ce qui était dans le bouquin, mais je pense qu'on peut le généraliser à d'autres moments de la dépendance) . C'est peut être ce que fait ta femme et peut être beaucoup de co-dépendants en général, de croire que c'est ta dépendance qui la fait souffrir, que c'est toi , le dépendant, qui est responsable de tout, alors que c'est aussi elle qui est responsable de sa propre souffrance, du fait de son besoin insatisfait de contrôle (ne va pas dire ça a ta femme par contre) . Et toi, de la même manière, tu peux peut être à ton tour rejeter la faute sur elle, dire que c'est toi qui t'en est complètement sorti et que c'est de sa faute si tu te sens mal, parce que c'est elle qui a un problème et qui ne te pardonne pas, alors que le vrai problème c'est à nouveau toi qui te fais souffrir toi-même par ton besoin insatisfait de contrôle sur ce qu'elle ressent. Je dis pas ça uniquement par rapport à ce que j'ai lu, je l'ai ressenti aussi dans mon couple à plusieurs reprises, et c'est aussi un truc sur lequel je dois encore beaucoup travailler. Mais tu as l'air de déjà savoir ça vu ce que tu dis :Dans le fond, ce qui change depuis quelques temps, c'est ma façon d'appréhender les situations, d'essayer de prendre de la distance et du recul. Ce qui me fait le plus mal, de plus en plus, c'est de voir qu'elle souffre, qu'elle est triste. Avant, je n'aimais pas la voir triste pour moi, car je craignais les conséquences sur ma vie (me faire virer de la maison par exemple) et désormais, je ne pense plus à moi, mais à elle, à sa souffrance et je ne supporte pas de la voir triste, à cause de moi !
Mais il faut se méfier. Quand moi je suis obsédé par le fait de faire le bien dans mon entourage, m'entendre bien avec tout le monde, je ressens vraiment cela comme de l'altruisme. J'ai réellement peur de gêner. Mais la racine de cette peur c'est la peur maladive qu'on me déteste. Plus je prends du recul, plus je m'en rend compte. Peut être que je serai altruiste quand je serai plus loin de la dépendance, peut être que je serai quelqu'un de bien au fond, quand ma vraie personnalité pourra s'exprimer. Mais pour l'instant j'agis surtout par peur de l'insécurité, malgré les apparences. Mais pendant des années j'ai appelé ça de l'altruisme.
En tout cas je vous souhaite bon courage et bonne continuation à toi et ta femme.