Je suis bien d'accord sur le fait qu'il n'y a pas beaucoup de réunions pour les conjoints de dépendants. Aux états unis il y a des groupes pour les codépendants et aussi des groupes pour les couples, pour venir à deux et voir d'autres couples qui rencontrent les mêmes problèmes. Mais ça ne court pas les rues....Pour ce qui est de la complaisance dans les groupes de parole, je comprends. Le "c'est pas ta faute" je l'ai déjà entendu et il peut avoir plusieurs sens. Mais en aucun cas, chez des gens sobres en tout cas, il ne veut dire que tu n'as pas de responsabilité dans ce qui t'arrive. Quand les gens disent ça dans mes groupes, ils veulent dire que tu n'es pas fondamentalement mauvais. Tu es responsable de tes actes, et il est normale et même positif de te sentir coupable pour ce que tu as fait, et affronter la réalité de tes actes. Dans ce sens, c'est vrai que c'est de ta faute. Mais il est négatif d'avoir honte, de croire que ton mal est ancré dans ta personnalité, que tu es mauvais, etc... Ca c'est l'auto flagellation dont les dépendants sont souvent victimes, et qui fait de nous un peu le centre du monde (je suis le pire, je suis le plus égoïste, je ne mérite rien etc...). Ca c'est très négatif et ça pousse au désespoir et à la rechute. Dans ce sens là, non, ça n'est pas de ta faute, tu n'es ni fondamentalement mauvais, ni sans espoir etc...Ensuite les groupes de parole n'ont pas un rôle de psychiatrie et d'analyse. Leur rôle principale et de donner un environnement où on peut être compris et accepté tel qu'on est, où on peut trouver du support. Pas pour être mis en face de nos problèmes par la violence, ou par des "coups de pieds au cul". Il y a énormément de raisons pour lesquelles les dépendants ont tendance à tout résoudre soit par le déni soit par des coups de pieds au cul, mais jamais par la compassion. Les "coups de pieds au cul" sont justement une des stratégies négatives qui font que les dépendants ne peuvent s'en sortir seul. Ils n'ont pas cet amour propre et résolvent tout en se rabaissant. Mais on ne sort pas d'un trou en se rabaissant. Mais il faut apprendre à se sentir coupable sans forcément se détester.Chez le psy, souvent, on t'apprends à changer. Dans les groupes, on t'apprend d'abord surtout que tu es bien tel que tu es, que tu es acceptable. On ne te l'apprend pas par la discussion ou la théorie, mais par l'expérience vécue dans le groupe (c'est complémentaire). Ca t'apprend que tu peux commencer à avoir de l'amour propre et à te sentir aimé dès maintenant et à briser ce cercle vicieux. Moi je trouve que c'est très utile. Mais quand on a toujours vécu dans la dépendance, qu'on a toujours essayé de tout résoudre par des coups de pieds au cul, ça peut faire un choc d'arriver vers quelqu'un qui nous dit "d'accord je te comprends". On est persuadés qu'il faut détester ce qu'on est pour changer et on peut être surpris. C'est pour ça que beaucoup de dépendants se mettent parfois facilement en couple avec quelqu'un de très "contrôlant". Ils ont quelque part l'impression que cette répression va les réparer enfin, que ça va créer un environnement avec une autorité qui pourra remplacer la discipline qu'ils pensent ne pas avoir. Même si machinalement ils lutent contre cette autorité, ils pensent quelque part que ce contrôle est l'ascenseur qui les fera monter et que leur dépendance qu'ils ne peuvent vaincre est simplement la force de gravité naturelle. En quelque sorte, ils disent inconsciemment "force moi à arrêter, mais si je résiste c'est normal". Et au final ils finissent par recréer leur environnement familial d'origine. Un parent qui les rabaisse ou les contrôle et ne leur donne pas d'amour. Alors ils pensent qu'ils sont mauvais. Puis ils pensent qu'ils ne méritent pas d'amour ou de compassion, puisqu'ils sont mauvais. Et donc ils entretiennent ce cercle vicieux, ils choisissent délibérément ce genre d'environnements en pensant que c'est ça qui marche. Mais ça ne marche pas comme ça. Après je comprends tout à fait ce que tu dis sur ce sentiment d'injustice, sur le fait que le dépendant s'en sort, mais que le conjoint commence tout juste à vraiment souffrir. C'est vraiment bien d'en avoir conscience. Même quand on reconnaît notre dépendance, on ne guérit pas du jour au lendemain, on peut continuer à être égoïste, à penser à son rétablissement, et oublier l'autre qu'on a fait souffrir. Ma psy me racontait que beaucoup de dépendants arrivent et disent "ça fait 6 mois que je suis sobre, mais ma compagne ne me fait toujours pas confiance, elle ne me pardonne toujours pas", comme si c'était de sa faute. Mais c'est aussi l'immaturité de la dépendance qui nous fait penser comme ça. On voudrait que tout aille bien au bout de 6 mois de sobriété, qu'on soit pardonné alors qu'on a menti pendant 10 ans. Eux n'ont pas cette prise de conscience que tu sembles avoir. Mais aussi voir l'autre souffrir, voir cette injustice, c'est aussi une occasion de prendre conscience des conséquences de nos actes et prendre conscience de l'importance du rétablissement. Tu n'as évidemment pas à te punir toi-même par sens de "justice" pour ta compagne. On a facilement envie de se punir pour réparer l'injustice (la logique du coup de pied au cul) "Je suis trop mauvais, je ne mérite pas ton amour, je ne mérite pas d'être heureux, je ne mérite pas le rétablissement etc...". Si tu veux payer ta dette à ta compagne, te punir serait dans un sens encore un acte égoïste. Mais tu peux payer ta dette en étant présent pour elle, en prenant des mesures sérieuses pour ton rétablissement, en faisant du mieux que tu peux pour t'en sortir, en étant patient quand tu verras qu'elle t'en veut toujours. Tu peux payer ta dette en étant compassionné, en l'écoutant sans répondre quand elle te reparle du passé, sans te justifier. Juste être présent pour elle. Je pense que c'est la meilleure des choses qu'on peut faire dans ce cas. La dépendance veut sans cesse nous faire tout ramener à nous même, nous faire être le centre du monde (et j'en sais quelque chose...), dans les moments positifs comme dans les moments négatifs. Continuer de faire ce qu'il faut pour ton rétablissement c'est peut être la première chose que tu peux faire pour payer ta dette. Enfin, quelque part je dis juste la même chose que toi, trouver là dedans la force d'avancer sans être égoïste. Mais la stratégie du coup de pied au cul, je la trouve égoïste. Tu te sens vraiment mal si tu te sens coupable et que tu ne te donnes pas un coup de pied au cul. Tu dois vivre cette injuste au lieu de la réparer et de t'en débarrasser. Vivre cette injustice et l'accepter c'est aussi une manière de payer ta dette. Mais peut être que tu es d'accord avec tout ça depuis le début.Ensuite, oui, je suis aussi convaincu que tous les dépendants ont la capacité de se réveiller et de sortir de leur dépendance. On a tous cette capacité. Mais le fait que ça soit si difficile, ça fait aussi partie de la dépendance. Cet égoïsme et cette lacheté que tu décris, elles font aussi partie de la dépendance, c'est le déni. Je veux dire par là que tu n'es pas fondamentalement mauvais. Tu n'es pas forcément dépendant ET lâche. La lâcheté fait partie intégrante de la maladie. Mais encore une fois ça n'excuse RIEN. On est responsables de TOUT ce qu'on fait dans la dépendance et on ne peut pas dire "on s'en fout, c'est la dépendance". En aucun cas. Il n'y a pas:1. des choses dont on n'est pas responsables, parce que c'est la dépendance et qu'on n'y peut rien, et2. des choses dont on est responsables, parce que ça n'est pas la dépendance et qu'on y pouvait quelque chose.Il n'y a pas, d'un côté, des choses qui sont expliquées par la dépendance et pour lesquelles on est totalement excusé, et de l'autre côté des choses sombres qui font partie de nous et qui veulent dire que notre nature profonde est mauvaise, et qu'on ne mérite rien. C'est tout à la fois, toutes ces choses viennent de la dépendance, le déni et la lâcheté compris, mais on est aussi responsable de toutes ces choses, on y pouvait toujours quelque chose. On est entièrement coupable et il est normal d'en souffrir, mais on n'a pas à avoir honte. On peut dire "j'ai fait des choses terribles" et affronter notre culpabilité comme il se doit, mais on n'a pas à dire "je suis mauvais" et s'autoflageler. En tant que dépendants, on se traite comme des mauvais parents traitent un enfant. Parfois excessivement laxiste, et parfois excessivement stricte. Mais un bon parent sait poser les limites pour son enfant, et il le fait avec compassion, il le fait par amour pour son enfant et il le fait avec patience. C'est souvent ça qui manque dans les familles dysfonctionnelles d'où viennent les dépendants la plupart du temps. Et à l'age adulte ils se traitent de la même manière, comme leurs parents les traitaient. Punitif pour rentrer dans le droit chemin ou laxiste pour se protéger de la souffrance qu'on s'inflige, mais jamais avec amour, patience et compréhension.
Ca je le sens au quotidien, personnellement. Quand je compte sur ma volonté pour m'en sortir, quand je me dis "il FAUT", je sens vraiment comme un coup de bâton en moi, puis de la souffrance, de la fatigue et de la tristesse. Et au final j'entretiens mon mal-être et ma dépendance. Mais ça n'est pas l'unique manière d'avoir de la volonté et de l'auto-discipline. Il y a une autre manière. Et c'est tentant de croire qu'on est mauvais, ça nous permet d'utiliser cette stratégie, la seule qu'on connaît.