Dépendance sexuelle

Version complète : Dépendance - conseils d'un psy pour s'en sortir
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Salut,

Un chouette texte qui m'a plu et que je partage ici (et en pièce jointe)
Bon courage à tous les dépendants.

Extrait du livre     « ABECEDAIRE DE LA SAGESSE »        Alexandre JollienChristophe André, Matthieu Ricard                 Ed. L’iconoclaste, 2020

Les conseils d’un moine, d’un philosophe et d’un psychiatre pour vivre au quotidien.
[..] DÉPENDANCE
Être dépendant, c’est désirer malgré soi, ou continuer de désirer ce que l’on n’aime plus. Il y a quelques années, j’ai été très frappé par les découvertes d’un neuroscientifique, Kent Berridge, que j’ai rencontré à plusieurs reprises, notamment lors de l’une des conférences organisées par l’Institut Mind and Life. Nous avons passé cinq jours à discuter de la question du désir, du besoin et de l’addiction. Ses travaux montrent qu’il y a dans le cerveau des réseaux neuronaux différents pour ce que l’on aime et pour ce que l’on désire. Les réseaux neuronaux qui sont activés quand on aime ce qui procure du plaisir – une bonne douche chaude après une balade dans la neige ou des mets délicieux, par exemple – ne sont pas les mêmes que lorsque l’on désire cette chose. Or le plaisir, souvent d’ordre sensoriel, est très volatil : il peut vite se transformer en indifférence, en dégoût, voire en aversion. Un gâteau a la crème, c’est délicieux, cinq, ça donne la nausée. En revanche, à force de répéter des expériences plaisantes, on renforce les réseaux cérébraux qui nous font désirer ces expériences. De sorte que même si l’on n’éprouve plus de plaisir, que ce soit pour l’usage d’une drogue ou toute autre forme de sensation qui était à l’origine plaisante, on continue à désirer cette expérience. Lorsque le désir devient rémanent ou se renouvelle sans cesse et que nous sommes hyper-sensibilisés à son objet, on peut parler de dépendance. En fin de compte, on se trouve dans la triste situation de ne pouvoir s’empêcher de désirer quelque chose qui ne nous procure quasiment plus aucun plaisir et qui peut même nous dégoûter.
Kent Berridge décrit une situation extrême : chez un rat, si l’on active de manière répétitive les aires du cerveau liées au désir au moment où on lui donne une eau aussi salée que celle de la mer Morte (trois fois plus salée que la mer), on arrive rapidement à un point de conditionnement. Et dès que l’on active l’aire du désir, le rat délaisse le levier qui donne accès à une solution d’eau sucrée pour actionner celui de I’eau trop salée. Alors qu’avant ce conditionnement il évitait systématiquement ce levier. On voit à quel point la situation est vicieuse, car il ne suffit pas de dire à la personne en situation de dépendance : « Vous n’avez qu’à considérer l’alcool, la drogue ou l’addiction au Sexe comme quelque chose de répugnant.» Bien souvent, elle est déjà dégoûtée par l’objet de sa dépendance. Comprendre cette dissociation entre ce que l’on aime et ce que l’on veut nous donne les outils pour nous affranchir d’une funeste dépendance et mieux cibler notre manière d’intervenir. On sait que l’entrainement de l’esprit peut remodeler nos connexions neuronales par le biais de la neuroplasticité. II faut donc nous déconditionner, pensée après pensée, émotion après émotion, afin d’affaiblir peu à peu les réseaux cérébraux associés aux tendances qui nous font désirer sans fin ce qui nous nuit.
Mais c’est un vrai défi. L’expérience vécue, corroborée par les neurosciences, montre que, outre les efforts de volonté et la nécessité de maintenir ces efforts suffisamment longtemps, il y a plusieurs obstacles supplémentaires. Premièrement, il s’avère qu’il est plus difficile d’activer les aires du cerveau liées à la volonté chez les sujets en état de dépendance ! Ils sont ainsi handicapés au niveau de cette volonté dont ils ont tant besoin. Deuxièmement, l’addiction modifie le cerveau de manière stable en le rendant plus réactif aux stimuli qui déclenchent les comportements addictifs. Cette sensibilisation du cerveau nous fait réagir plus facilement et plus fortement aux facteurs qui déclenche la consommation d’une substance toxique ou à l’allumage d’un jeu vidéo. Pis encore, dans tout entrainement, qu’il s’agisse d’une pratique méditative ou I’apprentissage du piano, la neuroplasticité, c’est-à-dire la transformation de certaines assemblées de neurones dans des aires cérébrales déterminées, se produit essentiellement dans une zone, l’hippocampe, qui est activée lorsque l’on apprend à jongler, à méditer, ou lorsque l’on fait du sport. Hélas, l’hippocampe est inhibé chez le dépendant, qui se retrouve donc avec moins de volonté et une capacité de changement affaiblie. Un quadruple obstacle donc : un renforcement du désir, une hyper-réactivité au stimulus addictif, un affaiblissement de la volonté et une inhibition de l’aire du cerveau qui actualise le changement. Pour réussir à s’en sortir, il est précieux de savoir tout cela. Nous devons mobiliser au maximum la volonté qui nous reste et la renforcer jour après jour avec patience.                       Matthieu
 
TROIS CONSEILS DE MATTHIEU                     FACE A LA DEPENDANCE
*Eviter les facteurs déclenchants : S’abstenir d’appuyer sur la gâchette en s’exposant aux facteurs qui amorcent un désir irrésistible. Sortir du champ visuel les substances, images, et toute autre chose reliée à l’addiction. Si ce n’est pas possible, prendre ses distances, s’éloigner de tout, aller dans un lieu naturel, en randonnée avec des amis, le temps de redevenir plus fort et résilient.
*Le moment critique : Les recherches montrent que le moment critique est celui de la confrontation avec le stimulus : on voit la poudre blanche, la bouteille, dans la réalité ou dans une image mentale. Si on laisse e processus s’enclencher, il prend tellement de force qu’il est très difficile de l’enrayer. On ne peut pas se dire : « Bon, je vais en prendre un petit peu et puis-je m’arrête. » Une pratique méditative peut aider en «agrandissant» l’espace temporel de ce moment de confrontation, pour jouir d’une plus grande marge de manœuvre. En contemplant directement les pensées engendrées par l’image mentale de l’objet du désir, et en laissant notre esprit reposer dans le moment présent, on laisse à ces pensées le temps de perdre de leur intensité et de s’évanouir d’elles-mêmes, à la manière d’un dessin à la surface de l’eau qui s’efface à mesure qu’on le trace. Si l’on arrive à suspendre suffisamment longtemps le processus des pensées qui nous affligent, on peut éviter d’être happé par l’enchaînement au cours duquel on perd tout contrôle.
*Observer la pulsion dans l’espace de la pleine conscience :                Le grand sage bouddhiste Nagarjuna disait : « Ça fait tellement de bien quand on se gratte, mais c’est tellement mieux quand ça ne vous démange plus !» A cette fin, il est recommandé de regarder suffisamment longtemps la démangeaison avec l’œil de la présence attentive, jusqu’à ce qu’elle s’estompe et que l’on se sente de nouveau libre. Certains peuvent se gratter jusqu’au sang. Si l’on suspend ce geste, il est certes difficile de supporter la démangeaison pendant un moment, mais celle-ci finit par s’évanouir. Dans le Contexte de la dépendance, il faut mobiliser suffisamment de force d’âme pour laisser cette pulsion lancinante diminuer d’elle-même, à la manière d’un feu auquel on cesse d’ajouter du bois jusqu’à ce qu’il s’éteigne nature. C’est dans la nature des chose.
Bonjour et merci pour ce partage de texte très bien écrit, les images utilisées pour illustrer la dépendance sont bien choisies. Bon courage à tout le monde
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