Dépendance sexuelle

Version complète : Métamorphose
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J’ai hésité avant d’ouvrir ce nouveau post, mais il me semble que je suis entré dans une nouvelle phase de mon sevrage et de ma relation à ma dépendance. Ce message risque d’être long et personnel, mais il marque pour moi une étape.


J’ai hésité dans le choix du titre entre ‘Métamorphose’ et ‘résurrection’. Le dernier est trop religieux pour moi, même si il résonne avec une chanson d’Arcade Fire que j’adore ‘The well and the Lighthouse’ ou l’on passe de l’obscurité à la lumière. Mais je suis un biologiste, et la ‘métamorphose’ me semble aussi correspondre à ce qui se passe actuellement dans mon corps. Il y a la métamorphose de la chenille, et celle définie par Edgar Morin qui écrit ‘L’origine est devant nous, disait Heidegger. La métamorphose serait bel et bien une nouvelle origine’. Pour aller vers la métamorphose, il est nécessaire de changer de voie (je cite toujours Edgar Morin).

Pourquoi cette métamorphose et cet engagement dans une nouvelle voie ?

Depuis très longtemps, je vis avec ma dépendance sexuelle. Je m’étais fait à vivre avec elle. Elle était rassurante, je n’avais pas à me poser de question. Quand la vie n’allait pas comme je voulais, j’avais juste à me lover dans ces bras, à me laisser aller. J’étais bien avec elle. Elle m'en demandais toujours plus, et je le lui donnais sans hésiter. Je devais régulièrement torde la réalité pour m’en sortir, mais cela valait le coup. Parfois, je me disais que ce n’était pas tout à fait normal cela, j’essayais quelques petits sevrages. Je n’appelais pas cela un sevrage, car je n’étais pas dépendant. Quel aveuglement. Aujourd’hui, je ne m’explique pas que cet aveuglement est duré plus de 30 ans. 30 ans a aller sur le minitel, puis le web, dans des sex-shops, dans des saunas, sur des lieux de dragues homosexuels. Peu de questionnements sur mon homosexualité refoulée. Je vivais dans le mensonge vis à vis de mes proches et surtout de moi-même, mensonge, ou refus de la réalité. Il y eut pourtant de courtes phases calmes, je me souviens d’être heureux, d’être moi-même. Cela a souvent correspondu à des périodes d'amours intenses (phase de cristallisation). Il y eut jeune une phase (vers 17 ans) où tout aurait pu basculer (un premier amour inavoué d’un garçon et jamais assumé). Il y eut des phases heureuses avec mes proches. Le passé est passé.

Depuis 8 ans, cette non-vie m’a éclaté en pleine figure. Qu’avais-je fait de ma vie ? Pour faire face à ce questionnement, je me suis enfoncé encore plus dans la dépendance, à la recherche de toujours plus de shoot. Toujours aller plus loin, et jamais satisfait, jamais assez. Mes pratiques devenaient dangereuses pour ma santé physique et mentale. J’ai attrapé de sales MST (2 fois la syphilis, je ne sais toujours pas si je suis vraiment sain encore aujourd’hui). Il y avait aussi le popper, des doses de plus en plus fortes, plus aucun plaisir sans. J’étais seul face à moi-même, personne à qui en parler. Il y avait des phases de déprime et des phases hyper active (j’étais très cyclothymique). Cette double vie (familiale/professionnelle et parallèle) devenait impossible à gérer. Je ne comprenais pas ma dépendance, j’étais aveugle.

Depuis 3 ans (après encore à un problème de santé), j’ai décidé d’aller consulter un psychiatre suite à une discussion avec mon docteur traitant. Je ne cherchais pas à sortir de ma dépendance, mais seulement à trouver un équilibre. Je pensais pouvoir trouver un équilibre entre ces deux vies. Séances après séances, j’avais l’impression de tourner en rond, de ne pas progresser, de toujours plus m’enfoncer dans la dépendance et des pratiques de plus en plus extrêmes. J’ai l’impression qu’il fallait que je teste l’hypothèse dépendance très loin pour m’assurer que c’était une voie sans issues.

Et un jour un déclic. J’ai parlé. Je me suis ouvert. Je me suis ouvert à vous sur ce forum. Je n’étais plus seul. Je pouvais parler avec d’autres. Je me suis ouvert à mon ex-compagne. Je pouvais échanger, parler de moi sans artifice, sans masque, sans peur. J’ai redécouvert ce que le mot ‘ami’ voulait dire, j’ai découvert le sens du mot ‘communauté’. J’ai redécouvert l’humanité.

Aujourd’hui, je n’explique pas ce déclic. Il y a eu cette scène avec mon fils. Je venais juste de poster mes premiers messages sur ce forum. Je ne cherche pas à comprendre. Dans la même période, j’ai lu le post d’Alessandro sur la pleine conscience, quelques jours après mon amie me conseillait de lire Christophe André (encore un coïncidence). Ce déclic, c’est le moment, où l’on change de voie, où l’on s’engage dans la métamorphose. Les premiers signes de la métamorphose ne sont pas visibles au commencement, on en prend conscience que bien plus tard.

J’ai presque l’impression d’être aujourd’hui un rescapé, d’avoir de la chance aussi c’est vrai, car j’ai le soutien de ma compagne, j’ai un boulot où je m’éclate (même si parfois il est très stressant), j’ai des enfants merveilleux. J’ai simplement envie de profiter des moments de bonheur, ne plus me focaliser sur mes problèmes (il y en a encore). La méditation me permet aujourd’hui de lâcher prise, élargir ma conscience à des sentiments/sensations heureuses, et de diluer un peu mes problèmes. Je pense que cette voie est aujourd’hui irréversible, il y avait un avant, il y aura un après. Une chrysalide n’est jamais redevenu une chenille, mais je ne sais pas quel type de papillon je serai. Mais je sais que je vais devenir un papillon. Par contre, je n’en connais pas encore la couleur...

Pour conclure ce long message, il y a peu de temps quelqu’un a cité sur le forum des paroles d’une chanson de Bob Dylan  (How many roads must a man walk down, Before you call him a man ?), finalement, le plus important est le refrain (The answer my friend is blowin' in the wind).

Je suis conscient qu’il me reste du chemin (how many roads…), et surement différentes routes. Mais je ne suis plus dans un cul de sac. Je marche, je ressens le vent sur mon visage. Je suis présent et vivant.

Une dernière musique, elle m’a guidée il y a une 15aine d’années. J’adore ce groupe (qui n’existe plus, le chanteur est parti). Il s’agit ‘The apemen, the bride and the butterfly’ de ‘Jack the Ripper’. Je ne saisi pas tout, mais elle raisonne bien avec ce que je viens d’écrire.

Merci de m’avoir lu et soutenu dans ces 3 derniers mois, je voulais à travers ce message vous apporter un message d’espoir. Je ne suis pas guéri, je reste vigilant.

Ekeiloh

Félicitations Fabrice.

Comme tu dis, il y a beaucoup de routes à explorer, mais quel bonheur quand on n'en a connu qu'une dangereuse, difficile, sans issue. J'ai lu un texte il y a quelques temps disant que la dépendance donnait l'opportunité de changer de vie. Je trouve cette idée très intéressante, parce que, pour moi en tout cas, fût un temps où la dépendance me définissait, me protégeait également. Et en discutant avec mon homme hier, je lui ai dit: "je ne suis plus une sexualité sans limite, je ne suis plus rien". Et il a commencé à me donner tant de nouvelles choses qui me définissaient à présent, qui faisaient partie de moi et que je faisais rayonner sur les gens que je rencontrais...

Ce changement, cette métamorphose, tu l'as mieux ressentie que moi. Peut-être n'en suis-je pas au même point, peut-être le rétablissement est-il différent pour chacun. Peut-être ta pratique plus "axée" de la pleine conscience te permet-elle de mieux cerner ces changements par rapport à moi, qui lutte encore contre une maladie dans laquelle je m'enlise parfois. Quoiqu'il en soit, merci pour ce retour sur ces quelques mois Merci pour cette dose d'espoir, bonne pou le rétablissement de chacun, bonne pour toi aussi. Tu en es capable, tu le sais, et ça, c'est merveilleux.

Bon courage pour la suite, bravo pour ton présent, merci d'être là.
Bravo Fabrice c'est génial,je suis très content pour toi!
Effectivement ce message illustre très bien ton changement de chemin,et les répercutions dans ta vie.
J'ai ressenti ce genre de chose il y a peu de temps,et pour ma part le sevrage du sexe virtuel me permet de me sevrer aussi du cannabis.C'est un peu comme si ma dépendance était diluée dans les deux addictions.Je suis toujours en contact avec le cannabis, mais je n'en consomme plus du tout depuis deux mois.De même,pour le sexe virtuel,nous vivons maintenant notre dépendance sur ce forum.Mais c'est une belle évolution.

Maintenant que nous sommes sortis de notre chrysalide ,il nous faut parcourir des cieux toujours plus bleus,qui sait?
Encore bravo et amitiés
Super témoignage Fabrice.
Ca montre qlq chose d'important : se sortir de cette dépendance est un processus long et lent, malgré les chutes, les rechutes, les abandons, les démotivations, il est possible de s'en sortir même si ce n'est pas facile.
C'est vraiment un témoignage touchant, ça montre qu'il peut y avoir un avant et un après, que cette dépendance n'est pas une fatalité, qu'on peut progresser face à cet over dose quotidienne de sexe et d'actes qui l'entoure.

Bravo à toi pr le chemin parcouru.
Salut Fabrice,

Merci de partager ça avec nous, pour nous exposer ton parcours et nous donner, au final, ce message d'espoir. Tiens bon, tu as l'air d'être sur la bonne route !
Je prends de plus en plus plaisir à faire certaines activités que je choisis. J'ai l'impression d'être en accord avec moi-
même et de me respecter. Comme tous les ans, les parents d'élève de l'école de mes enfants organisent une matinée sur un thème avec des activités ludiques. Le thème aujourd'hui était la maîtrise de soi ! J'aurai dû animer une activité sportive, au dernier moment j'ai décidé de faire une séance de méditation pour les enfants (l'idée me trottait dans la tête, mais je n'osais pas...). J'ai adoré ces instants avec les enfants (de 6 à 11 ans). C'était super. Cela m'a rempli de bonheur (ça me fait drôle de l'écrire), et a renvoyé ma dépendance dans un petit coin, écraser contre une paroi de mon esprit. Une solution est peut-être de faire qu'il n'y ait plus de place pour que la dépendance s'exprime. Osons !

Ekeiloh

Tout à fait ! Et je trouve ça génial que tu aies osé. Je lisais dans un texte consacré au rétablissement que la dépendance nous donne l'occasion de changer de vie. Mais elle n'enlève le capital positif que nous avons accumulé, et je me trompe peut-être mais il me semble que tu as développé la méditation grâce à ta dépendance. Transformer ce qui nous pourrit la vie en quelque chose de positif et qu'en plus tu peux transmettre aux autres (et même aux plus jeune !)... Fabrice, tu es un modèle !
Oups, n'exagérons pas pour le modèle... même si j'aime bien les flatteries. Dans tous les cas merci pour le compliment.
Je réagis sur un point que j'ai du mal à comprendre qui est le lien entre ma dépendance et la méditation. Je m'explique. Il y a un lien fort entre la dépendance et le corps. Dans la dépendance, nous n'arrivons plus à contrôler notre corps (mode pilotage automatique). Dans mes derniers shoots, il y avait une perte de contrôle grave qui m'a fait m'interroger et prendre peur presque. J'ai recherché alors des méthodes pour reprendre un peu de contrôle sur moi, pour reprendre conscience de mon corps, d'où ma démarche vers la méditation. Plus que la sérénité, c'est le bien être physique que j'apprécie.
Bonsoir Fabrice,

La question du lien entre dépendance et méditation, pour moi, est centrale. Il faut distinguer entre le plaisir (qui nous asservit) et le bien-être (qui nous libère). Le plaisir touche les sens, il est éphémère et sa recherche obsessionnelle nous emprisonne. Bien des sages s'en sont méfié et l'ont fui. Le bien-être est d'une toute autre nature. C'est une plénitude, une harmonie. Le paradoxe, dans la nature humaine, c'est qu'il y a de la place pour les deux, et c'est la richesse de la nature humaine! Ange ou démon?

Je constate que la pleine conscience te convient à toi aussi. Je m'en réjouis. Cette forme de méditation demande une certaine discipline, mais une fois lancé, elle nous entraine dans  contrées autrefois ignorées: la bienveillance, le non-jugement, l'acception. Surtout, elle nous libère de nos prisons mentales.

Je suis toujours dans la lecture de Christophe André "Méditer, jour après jour", livre remarquable et à la portée de tous.

Poursuis ton chemin et bravo pour tes 55ours.
Je viens de finir le livre de Christophe André, un chapitre par soir, ce fut un plaisir.
Pour la méditation, il faut un entrainement (comme pour le sport), je fais actuellement un scan corporel tous les matins (40 minutes, je suis très matinal) et quelques autres méditations, c'est contraignant, mais le résultat est là, et j'en ai besoin. Je ne vois pas le temps passé lors de méditation. Il me faut prendre du temps et du recul pour mesurer les changements, mais je suis tout à fait d'accord avec ce que tu écris.
Encore merci pour ton 1er post sur la méditation, il a raisonné avec une amie qui me conseillait de lire le livre de Christophe André. Les deux ont fait que je m'y suis lancé. Je t'en suis vraiment très reconnaissant !
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