Dépendance sexuelle

Version complète : C'est grave, docteur ?
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Des orgasmes à n'en plus finir

"Les autres femmes se demandent comment atteindre l'orgasme. Moi, je me demande comment arrêter les miens. »

Kim Ramsey, une infirmière britannique de 44 ans, a vu sa vie basculer en 2008 quand elle a rencontré un nouveau petit ami. « Pendant quatre jours, j'ai eu des orgasmes en permanence, j'ai cru devenir folle », a-t-elle raconté aux médias britanniques. Le moindre mouvement de son bassin (au cours d'une simple tâche ménagère) peut déclencher une excitation génitale irrépressible, et Kim Ramsey subit ainsi jusqu'à cent orgasmes par jour.Il y a encore vingt ans, son trouble était inconnu. Le premier cas de ce qui est désormais nommé syndrome d'excitation génital permanent (SEGP) a été publié en 2001 par deux sexologues américains. Depuis, les connaissances évoluent... lentement.
« Ah, si seulement ma femme avait cela », s'entendent dire les spécialistes dans des congrès médicaux. Pourtant, ces sensations de forte excitation génitale survenant en l'absence de désir ou de stimulation sexuelle sont bien loin de la nymphomanie. Les symptômes engendrent une grande inquiétude avec des sentiments de frustration, de culpabilité et de honte qui peuvent conduire à la dépression, écrit Pierrick Hordé dans son livre Diagnostics incroyables. Cent cas extraordinaires de la médecine (Flammarion, 457 p., 19,90€).
« Trouble cauchemardesque » Les patientes « sont probablement infiniment plus nombreuses que les cas rapportés», notent le docteur Thibault Thubert et le professeur Gérard Amarenco (groupe de recherche en neuro-urologie de l'université Pierre-et-Marie-Curie) dans un article publié dans Progrès en urologie en 2012. La méconnaissance des praticiens de cette pathologie pousse certains d'entre eux à considérer comme folles des patientes qui ne le sont pas ».
Le docteur Irwin Goldstein (San Diego) dit avoir parlé « à des centaines de femmes et à quelques hommes atteints de ce trouble cauchemardesque » Des cas ont été rapportés à des anomalies artério-veineuses de la région génitale, d'autres à la prise de médicaments. Une origine nerveuse est suspectée, d'autant que les symptômes sont associés dans deux tiers des cas à un syndrome des jambes sans repos ou à une hyperactivité de la vessie. L'équipe de Gérard Amarenco, qui suit une trentaine de patientes, tente d'établir une corrélation entre une atteinte du nerf pudendal (qui innerve le périnée) et la survenue de cette pathologie. De multiples traitements sont à l'essai, qui permettent de soulager certaines femmes. Gretchen Molannen n'a pas eu cette chance. Atteinte à l'âge de 23 ans, cette Américaine active est devenue une ermite incapable de travailler, contrainte de se masturber pendant des heures pour trouver quelques instants de repos. « J'espère que mon témoignage fera comprendre aux gens que cela existe vraiment et que c'est grave. Et j'espère que d'autres femmes qui souffrent en silence auront le courage d'en parler à un médecin », avait-elle confié au Tampa Bay Times. Le 1er décembre 2012, le lendemain de la mise en ligne de la vidéo, elle s'est donné la mort. 

In Le Monde du 4 aout 2013.
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